Fabliau (du picard
fabliau, lui-même issu du latin
fabula) signifie littéralement « petit récit » ; c'est le nom qu'on donne dans la littérature française du Moyen Âge à de petites histoires en vers simples et amusants, et qui ne se proposent guère que distraire ou faire rire les auditeurs et les lecteurs ainsi que de donner des leçons de morale.
Ci-dessus : exemple d'un fabliau
Manuscrit tiré de Fabliaux divers, de Watriquet de Couvin (Paris, ca. 1330))
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site du Collège DoisneauExemple de fabliau
Brunain la vache au prêtre
de Jean Bodel (XIIème siècle)
C’est d’un vilain et de sa femme
que je veux vous raconter l’histoire.
Pour la fête de Notre-Dame, ils
allaient prier à l’église. Avant
de commencer l’office, le curé
vint faire son sermon ; il dit
qu’il était bon de donner
de tout son cœur au Bon Dieu et que celui-ci vous rendait le double.
« Entends-tu, belle sœur, ce qu’a dit le
fou ? » fait le vilain à sa femme.
« Qui pour Dieu donne de bon cœur
recevra de Dieu deux fois plus.
Nous ne pourrions pas mieux employer
notre vache, si bon te semble,
que de la donner au curé.
Elle a d’ailleurs si peu de lait.
— Oui, sire, je veux bien qu’il l’ait,
dit-elle, de cette façon. »
Ils regagnent donc leur maison,
et sans en dire davantage.
Le vilain va dans son étable ;
prenant la vache par la corde,
il la présente à son curé.
Le prêtre était fin et madré :
« Beau sire, dit l’autre, mains jointes,
pour Dieu je vous donne Blérain. »
Il lui a mis la corde au poing,
et jure qu’elle n’est plus sienne.
« Ami, tu viens d’agir en sage,
répond le curé dom Constant
qui toujours est d’humeur à prendre;
Retourne en paix, tu as bien fait ton
devoir: si tous mes paroissiens étaient
aussi avisés que toi, j’aurais du bétail
en abondance. » Le vilain prend congé
du prêtre qui commande aussitôt
qu’on fasse, pour l’accoutumer, lier
Blérain avec Brunain, sa propre vache.
Le curé les mène en son clos,
trouve sa vache, ce me semble,
les laisse attachées l’une à l’autre.
La vache du prêtre se baisse,
car elle voulait pâturer.
Mais Blérain ne veut l’endurer
et tire la corde si fort
qu’elle entraîne l’autre dehors
et la mène tant par maison,
par chènevières et par prés
qu’elle revient enfin chez elle,
avec la vache du curé
qu’elle avait bien de la peine à mener.
Le vilain regarde, la voit ;
il en a grande joie au cœur.
« Ah ! dit-il alors, chère sœur,
il est vrai que Dieu donne au double.
Blérain revient avec une autre:
c’est une belle vache brune.
Nous en avons donc deux pour une.
Notre étable sera petite ! »
Par cet exemple, ce fabliau nous montre
que fol est qui ne se résigne.
Le bien est à qui Dieu le donne
et non à celui qui le cache et enfouit.
Nul ne doublera son avoir
sans grande chance, pour le moins.
C’est par chance que le vilain
eut deux vaches, et le prêtre aucune.
Tel croit avancer qui recule.
SourcesWikipedia
Wikisource