mercredi 27 février 2013

Stéphane Bourgoin : Serial killers (extraits)

Les tueurs en série : un sujet qui fascine, qui intrigue, qui effraye, et qui ne laisse personne indifférent. 
Pour plusieurs raisons, l'homme s'intéresse à ses semblables, et d'autant plus lorsque ceux-ci ont une "particularité", souffrent de déviances et d'un comportement hors-norme. Alors quand ils jouent avec la vie et la mort, on peut souvent en arriver au comble de l'horreur. Pour y voir plus clair et éviter les raccourcis ou autres dérives malsaines et/ou voyeuristes, il est donc important d'adopter une approche rationnelle, posée et objective. 
Dans ce cadre, un personne ressource s'impose à moi depuis de nombreuses années, en la personne de Stéphane Bourgoin. 
Eminent spécialiste des tueurs en série, Stéphane Bourgoin est devenu le référent mondial francophone en la matière. Victime lui-même de ce "phénomène", puisque sa compagne fut sauvagement assassinée par un serial killer dans les années 70', il s'y intéresse et nous livre son expérience, son savoir, ses impressions et de précieuses informations, à travers des livres, articles, reportages et documentaires. 
Entr'autre, il a rédigé de nombreux ouvrages, dont le très pertinent "Serial Killers : enquête mondiale sur les tueurs en série".

En voici quelques extraits, tirés de l'édition de 2011, revue et augmentée.

au sujet du cadre familial dont sont issus les tueurs en série
[...] Donc, contrairement à ce que l'on pourrait croire, la pauvreté n'est pas un facteur important dans le statut socio-économique des familles. Les mères sont à la maison, les pères ont des emplois stables et des revenus corrects, les sujets étudiés sont intelligents, de race blanche, et souvent les fils aînés de la famille. Nantis de tels facteurs pourquoi sont-ils devenus des serial killers ? [...]

paroles de Bruno Reidal, meurtrier "potentiellement" tueur en série
[...] Quoique me représentant en train de tuer et que j'en ressentisse comme un plaisir, je n'étais pas satisfait, et il me semblait que je jouirais véritablement, et que je serais soulagé dès que je pourrais réaliser ce que je me représentais. [...] 
NOTE : extraite de ses propos recueillis par le docteur Alexandre Lacassagne et présents dans "Le livre des vies coupables", cette partie illustre bien, à mon sens, l'idéalisation que le meurtrier se fait de son acte et du plaisir qui pourrait en découler. Le second extrait évoque plutôt les goûts du criminel :
[...] J'ai déjà dit que ce n'était pas une personne quelconque que je me sentais porté à tuer. Je n'aurais pas pu tuer une personne ayant quelque chose de grossier dans sa physionomie, ni une personne inintelligente. J'ai remarqué que, si je me représentais en train de tuer une personne que j'aimais pour sa beauté, son intelligence, sa fierté, j'éprouvais un bien plus vif plaisir et je jouissais plus tôt qu'à me représenter en train de tuer une personne que je détestais ou qui m'était un peu indifférente. Si c'est une personne très belle, ayant l'air élégant, hautain, je suis mis en érection par sa seule vue, même par la vue de son portrait.[...]

Tueur psychotique et tueur psychopathe
D'un point de vue psychiatrique, on peut diagnostiquer deux sortes d'individus qui commettent des crimes en série : le paranoïde psychotique, qui peut être schizophrène, et le psychopathe dont la personnalité est résolument asociale.
 Bourgoin explique alors un peu plus en détail les caractéristiques du psychopathe asocial :
1) il manque de maturité, c'est un être ingrat, cynique, déloyal, rebelle et qui exploite les autres
2) Comme il ne ressent aucune empathie, il est incapable de comprendre comment ses actions peuvent blesser les gens qui l'entourent
3) Les autres n'existent que pour subvenir à ses propres besoins.
4) En conséquence, la vie sexuelle d'un asocial est typiquement manipulatrice et infidèle.
Viennent ensuite les deux grandes personnalités typiques des tueurs en série
Le sociopathe est "lisse", d'habitude très intelligent, et il réussit souvent une brillante carrière. Cette réussite professionnelle compense parfois une intolérable impression personnelle d'insuffisance. Le sociopathe éprouve une grande jouissance à contrôler les autres. Manipuler devient une obsession, à un point tel qu'il se dirige petit à petit vers le but ultime : décider de la vie ou de la mort d'une personne.

Le psychopathe, véritable hédoniste, recherche en permanence son propre plaisir, même au détriment d'autrui. S'il tue, le psychopathe n'éprouve aucun remords ni aucun sentiment de culpabilité puisqu'il n'a pas de conscience. Ce qui le rend si terrifiant c'est son apparence normale, car le psychopathe est devenu un maître dans l'art de la manipulation. Pas la moindre trace apparente d'un comportement bizarre ni de pensées irrationnelles.Lorsqu'il est pris, son charme superficiel et son aisance de langazge lui permettent de simuler la sincérité et le remords pour tromper ses accusateurs. Dans sa cellule, le tueur en série psychopathe devient un prisonnier modèle. C'est le plus dangereux des tueurs en série, celui qui parvient à échapper le plus longtemps aux enquêtes de la police.
Hommes-Femmes chez les tueurs en série : parité ?
[...] le pourcentage des meurtrières est resté stable au fil des décennies et tourne aux alentours de 10 à 13 % de l'ensemble des assassins.  

Ce faible pourcentage nous interpelle et démontre à quel point les meurtrières sont souvent beaucoup plus intéressantes et complexes que les hommes qui tuent. Avant de commettre un crime, un individu, qu'il soit de sexe masculin ou féminin, doit surmonter le processus social auquel nous sommes tous soumis, afin de refouler de tesl actes. Pour un tel passage à l'acte meurtrier, les femmes doivent vaincre un plus grand nombre d'obstacles que les autres. Bien sûr, les hommes ne sont pas destinés à devenir des assassins, mais cela est en partie contredit par un processus qui les pousse à accepter - et à utiliser - la violence. Comme les boy-scouts, ils sont envoyés par leurs gouvernements pour combattre dans les guerres. Ainsi, si on n'apprend pas aux hommes à commettre des assassinats, ils sont quand même préparés à aller se battre pour leur pays et à tuer sur commande lors d'un conflit. Ce processus est ancré dès l'enfance - de façon schématique, les filles jouent à la poupée et les garçons aux cowboys et aux Indiens ; il suffit de regarder les publicités télévisées destinées aux garçons, où l'on vante les mérites de jeux tels que "G.I. Joe" ou "Mortal Kombat". Tout cela montre à l'évidence que des signaux hautement contradictoires sont perçus par les hommes, ce qui a pour conséquence que les plus fragiles et troublés d'entre eux ont une plus forte probabilité de devenir des assassins, voire des meurtriers récidivistes. 
Comme elles ne fonctionnent pas en tant que troupes de combat potentielles, les femmes ne reçoivent pas un conditionnement dirigé vers un comportement agressif. Par tradition, c'est plutôt la passivité qui l'emporte.[...]
Pour compléter ceci, j'ai pensé que l'avis de Micki Pistorius pouvait aussi s'avérer pertinent : 
[...] Beaucoup de serial killers sont motivés sexuellement. Les hommes et les femmes n'ont pas les mêmes idées sur le sexe. Un homme est excité par ce qu'il voit, une femme par le toucher. Voilà pourquoi il y a plus de voyeurs et d'hommes qui regardent des films pornographiques. Les crimes sexuels concernent directement l'apparence de la victime et son physique. Si un homme veut dominer une femme, il exige un rapport sexuel avec elle. Si c'est l'inverse, elle refuse d'avoir un rapport sexuel avec l'homme. Si un homme a été abusé sexuellement ou maltraité, il s'attaque à quelqu'un d'autre. Par contre, une femme a tendance à s'en prendre à elle-même et à pratiquer l'automutilation. [...]

L'envie de se soigner (explications du docteur Michel Dubec, psychiatre)
[...] les délinquants sexuels "ne peuvent pas avoir envie de se soigner puisqu'ils trouvent un équilibre dans une activité sexuelle, quelle qu'elle soit. Ils sont donc satisfaits. Ils ne peuvent avoir conscience d'un mal qu'ils font à autrui mais qui leur fait plaisir; On ne peut pas se considérer malade de quelque chose dont on ne souffre pas. Le problème est donc de mettre ces personnes en situation de frustration. Et ce préalable ne relève pas de la psychiatrie mais de la fonction judiciaire." [...]
L'intérêt pour les tueurs en série, et les ingrédients pour en devenir un
[...] Pourquoi un tel intérêt ? Serait-ce un moyen pour chacun d'entre nous de transgresser la morale ou une transposition moderne de la "catharsis" ? Ne s'explique-t-il pas aussi par le désir profond de comprendre ce qui peut inciter ces tueurs, que rien ne distingue des honnêtes gens, à passer à l'acte ? Il doit bien exister une raison à ces actes irrationnels ! La réponse n'est pas évidente surtout quand les avis des experts divergent quant aux origines du "mal". Cette violence résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs : prédisposition génétiques, dérèglements hormonaux (sérotonine, testostérone...), événements déstructurants (violences familiales, abus sexuels...), influence du milieu dans lequel ils évoluent depuis leur naissance. Difficile aujourd'hui de cerner la part exacte de l'acquis et de l'inné. Les travaux des experts en neuroscience apporteront peut-être d'autres éléments de réponse. Néanmoins pour tous les spécialistes, une seule certitude, on ne naît pas tueur en série, on le devient.[...]
Casser un mythe : les serial killers veulent se faire prendre
[...] Les serial killers n'ont pas envie de se faire prendre, ils ont juste l'impression qu'ils ne seront jamais attrapés. NOTE : toute fois, comme l'indique l'auteur, certains désirent se faire prendre, ne serait-ce que pour pouvoir "partager leur oeuvre", et que le monde entier reconnaisse ainsi leur "talent", leur pouvoir, leur contrôle...[...]
Profiil  psychologique : dans quels cas ?
 Le profil psychologique n'est pas une science exacte. un détective doit garder à l'esprit qu'un suspect qui colle au profil n'est pas forcément le coupable. Il ne faut appliquer cette technique d'investigation qu'aux meurtres "sans motif apparent", où le lieu du crime reflète la présence d'une psychopathologie à l'oeuvre. Les analyses psychologiques ne remplaceront jamais les principes de base d'une enquête bien menée : toutes les pistes sérieuses doivent être épuisées avant de faire appel à une telle technique.
NOTE : toutefois, comme le dit Micki Pistorius, profileuse d'Afrique du Sud, il vaut mieux établir le profil assez tôt, afin de ne pas perdre de temps, et de pouvoir tenir compte de certains indices dès le début de l'enquête.
 L'avis de Derick Norsworthy, sergent en charge de l'enquête sur Stewart Wilken (Afrique du Sud), et formé par Micki Pistorius, au sujet du "partage" de l'oeuvre d'un tueur en série
[...] Je pense qu'à un moment donné de son existence, le serial killer en a marre de tuer. L'état d'isolement dans lequel il s'enferme finit par lui peser et il a envie de partager son "oeuvre". [...]
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A noter dans vos agendas : conférence de Stéphane Bourgoin le 6 mars (Spa), 7 mars (Sprimont) et 8 mars (Liège)

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